C’est la misère qu’on a eue,
C’est la peine qu’on a portée,
Ce sont des choses qu’on a tues,
Parce qu’on n’en pouvait parler,
C’est notre âme de réfugiés,
Frères, que nous avons vécue,
Toute de haine et de rancune,
Toute d’amour et de pitié,
Pendant les jours dont l’amertume,
Au fond du coeur nous est restée,
Frères, encore vous souvient-il,
Frères des mains, frères des pieds,
Lorsque toutes brûlaient nos villes,
Et qu’on partait, et qu’on marchait,
Frères d’exode sur la route,
Où pieds saignants, yeux révulsés,
Bouche amère et clamant ses doutes,
Sous le ciel nous avons passé,
Frères, encore vous souvient-il,
Frères, de l’exode et l’exil?
Choses du ciel et de la mer,
Lointaines vers où nous marchions,
Choses dont nous avons souffert,
Pays de trafic et marchand,
Choses des hommes et du temps,
Villes d’exil, villes amères,
Frères, encore vous souvient-il,
-Nous avons eu froid si souvent –
Frères des blancs hivers hostiles
En ce pays de tant de vent?
Toits de toile, vie transparente,
Dans un rond et nous alentour,
Nous avons dormi sous des tentes
Durant des nuits, durant des jours,
D’hiver et d’été longs d’attente,
Nous avons vécu sans amour,
Et yeux au loin, pensée absente,
-Frères, nos coeurs étaient si lourds-
De nos rancoeurs faisant le compte,
Frères, vous souvient-il toujours?
(Na het bombardement van Antwerpen in 1914 vluchtte Elskamp samen met zijn huisknecht Victor naar Nederland. Zij kwamen met vele andere Belgische vluchtelingen terecht in een tentenkamp in Bergen op Zoom. Elskamp putte uit deze traumatiserende ervaringen voor zijn dichtbundel Sous les tentes de l’Exode – bij mijn weten het enige werk uit de oudere Belgische literatuur waarin het leven als vluchteling wordt beschreven.)
Op de foto: Belgische vluchtelingen in Bergen op Zoom, 1914.